(1er Bureau.) - Circulaire à MM. les Sous-Préfets et Maires du département, relative à l'établissement des bibliothèques communales.
Nancy, le 8 janvier 1849.
MESSIEURS,
M. le Ministre de l'instruction publique et des
cultes m'a adressé, sous la date du 1er
décembre dernier, une circulaire qui, réimprimée ci-après, est
relative à l'établissement des bibliothèques communales.
Cette circulaire en faisant sentir l'utilité et la nécessité
d'une semblable institution, énumère les ouvrages dont chaque bibliothèque
devrait être composée, ainsi que les moyens de pourvoir à la dépense de leur
achat.
Ces moyens sont de trois sortes: allocations sur les
fonds communaux, subventions départementales et souscriptions volontaires.
Une somme de deux à trois cents francs pourrait
suffire à la création d'une bibliothèque communale. Les communes auxquelles
l'état de leurs finances ne permettrait pas de faire cette dépense en une
seule année, auraient la facilité de la diviser en plusieurs annuités, et
tous les ans elles recevraient un nombre de volumes proportionnel aux sommes réalisées.
J'invite donc MM. les Maires à soumettre cette
proposition à leurs Conseils municipaux, dans la session du mois de février
prochain. Je les engage en outre à provoquer des souscriptions volontaires pour
cet objet, lorsqu' ils jugeront ce moyen praticable. Ils voudront bien
m'adresser directement pour l'arrondissement de Nancy et par l'intermédiaire
de MM. les Sous-Préfets pour les autres arrondissements, les délibérations
qui seront prises à cet égard, ainsi que les états des souscriptions
volontaires obtenues.
La réception à la Préfecture de la circulaire
ministérielle a eu lieu trop tard pour qu'il eût été possible de proposer au
Conseil général de voter des fonds en faveur de l'établissement des bibliothèques
communales. Mais mon intention est de demander au Conseil une subvention
quelconque l'an prochain et, si elle m'est accordée, j'en ferai profiter les
communes peu aisées.
Recevez, Messieurs, l'assurance de ma considération
distinguée.
Le Préfet de la Meurthe,
A. BRUN.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
Paris, le 1er décembre 1848.
MONSIEUR LE PRÉFET,
Le Gouvernement républicain place an premier rang de
ses devoirs le soin de procurer, par la propagation des lumières, le bien-être
et le bonheur du peuple. Le développement de l'instruction primaire est sans
doute un des meilleurs moyens d'atteindre ce résultat; mais l'enseignement de
l'école, considéré jadis comme un luxe, aujourd'hui comme un besoin, ne doit
plus être envisagé désormais que comme une excellente préparation. En effet,
pourquoi l'instruction serait-elle un privilège, puisque l'intelligence n'en
est pas un? Il faut donc qu'au sortir de ces cours où il a puisé les premiers
éléments, l'enfant des communes rurales trouve à sa portée des livres
d'instruction pratique et professionnelle, dont l'étude libre forme le complément
indispensable de l'enseignement de l'école primaire.
Ces motifs me font vivement désirer qu'il soit établi
dans chaque commune rurale une bibliothèque composée de livres appropriés aux
besoins de ses habitants. L'homme d'Etat, le savant, le lettré, l'artiste ont
tous leur bibliothèque; pourquoi l'agriculteur et l'ouvrier n'auraient-ils
pas aussi la leur? J'y voudrais voir figurer en première ligne de bons écrits
sur les nouvelles institutions que la France vient de se donner, sur les droits
et les devoirs des citoyens, sur la législation usuelle, sur l'administration départementale
et communale, sur la culture de la terre, l'élève du bétail, l'horticulture
et l'arboriculture, sur les notions de physique, de chimie et d'histoire
naturelle applicables aux usages de la vie, aux arts, à l'industrie et au
commerce, sur l'arithmétique, l'arpentage et les autres parties des sciences
mathématiques, dont la connaissance importe le plus aux habitants des
campagnes, sur l'hygiène et l'économie domestique. A ces divers traités
d'utilité pratique se joindraient des livres de lecture proprement dite, des
ouvrages sur la religion et la morale; une histoire et une description détaillée
de notre patrie et des pays avec lesquels nous sommes en relation ; une histoire
des progrès de la civilisation, la biographie des hommes qui ont le plus honoré
l'humanité; enfin, pour faire à l'imagination sa part légitime, j'y mettrais
une collection des chefs-d'oeuvre en prose et en vers de notre littérature.
Dès le lendemain de la révolution du 24 Février,
un de mes prédécesseurs avait chargé officiellement M. Paulin, autrefois
membre de l'Université, aujourd'hui éditeur à Paris, de préparer un projet
relatif à l'organisation des bibliothèques communales. Ce projet a reçu mon
approbation ; mais il exige, de la part des départements et de l'Etat des
allocations, qui, du moins en ce qui concerne l'Etat, ne pourraient être réalisées
immédiatement. Cependant l'utilité, la nécessité des bibliothèques
communales est partout appréciée ; les Conseils municipaux, les principaux
habitants d'un grand nombre de communes ont manifesté le désir que cet
important projet reçût le plus tôt possible un commencement d'exécution.
Pour satisfaire aux voeux exprimés de toutes parts, M. Paulin m'a offert de
fournir immédiatement le premier noyau de leur bibliothèque aux communes qui,
prenant l'avance sur l'Etat et sur le département, voteraient quelques fonds
pour cet objet.
En conséquence, M. le Préfet, je vous prie
d'examiner s'il ne vous serait pas possible de provoquer, de la part des
Conseils municipaux, le vote d'une allocation de deux à trois cents francs pour
l'achat d'une bibliothèque communale. Il est bien entendu que cette somme ne
doit pas être fournie en une seule année; les communes pourront diviser la dépense
en deux, trois et même quatre annuités, et, tous les ans, elles recevront un
nombre de volumes proportionnel aux sommes réalisées.
Les communes pauvres ne doivent pas, pour cela, se
voir privées d'un avantage que leur situation même leur rend peut-être plus
particulièrement nécessaire. Le Conseil général, lorsqu'il se réunira
pour dresser le budget de 1849, trouverait sans doute moyen de leur venir en
aide. D'ailleurs, je suis persuadé qu'en beaucoup d'endroits la générosité
des citoyens suppléera à l'insuffisance des ressources municipales et
viendra, par une contribution volontaire, faciliter aux communes l'acquisition
de leur bibliothèque. La plus minime offrande, si elle était faite par un
grand nombre de personnes, pourrait déjà couvrir une bonne partie des frais.
MM. les Maires et les Conseillers municipaux, sur votre invitation, voudront
bien se charger de recueillir les dons de cette nature.
Tous les ouvrages composant le fonds des bibliothèques
communales seront examinés par le Ministre de l'instruction publique, les
volumes, solidement reliés, seront envoyés francs de port à la Préfecture
ou à la Sous-Préfecture où, sur l'avis qu'il en recevra, le Maire devra les
faire retirer.
Vous comprendrez, M. le Préfet, toute l'importance
que j'attache au prompt établissement des bibliothèques communales. MM. les
Sous-Préfets, les Maires et les inspecteurs des écoles primaires, dont je vous
prie de réclamer d'une manière toute spéciale le concours dans cette
circonstance, mettront, je n'en doute pas, un zèle égal au votre à seconder
mes vues. Dès que vous aurez obtenu un résultat, veuillez à me le faire connaître
dans un rapport détaillé.
Agréez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma
considération très-distinguée.
Le Ministre de l'Instruction publique et des Cultes,
Signé: A. FRESLON.
Pour copie conforme
Le Chef de la 3ème division, F. GENIN.
Document mis à jour le 01-01-2004