Circulaire à MM. les Maires, sur l'usage des cloches.
Messieurs,
Des difficultés se sont élevées sur quelques points du département au sujet de l'usage des cloches paroissiales.
J'ai reconnu la nécessité de remettre sous vos yeux la législation
qui régit cette question importante. Après
nous être concertés, Monseigneur l'Évêque de Nancy et moi, sur les moyens de
prévenir le retour des contestations qui se sont produites, nous avons arrêté
les dispositions réglementaires que j'ai l'honneur de vous transmettre avec la
présente instruction.
Vous savez, Messieurs, que la destination des cloches des
églises a toujours été regardée comme essentiellement religieuse : de même
que les édifices consacrés au culte catholique, les cloches placées dans les
dépendances des églises, sont spécialement affectées au service divin, et
le Curé en doit être le gardien et le régulateur, puisqu'il en a la
responsabilité. Lui seul doit conserver les clefs de l'église et du clocher ;
seul par conséquent, il a qualité pour choisir le sonneur. On n'a donc pas
le droit de faire sonner les cloches paroissiales pour le service municipal,
lors même qu'elles auraient été acquises des deniers de la commune. Ce n'est
que par exception à cette règle générale que l'arrêté réglementaire a prévu
les circonstances dans lesquelles le Maire petit requérir de faire sonner les
cloches de la paroisse ; d'ailleurs leur usage peut être refusé dans le cas de
l'article 6 de cet arrêté, s'il existe dans la commune une cloche affectée au
service municipal.
Tels sont, Messieurs, les principes posés dans les avis du
Comité de législation du Conseil d'État ; je ne saurais trop vous recommander
de vous pénétrer des dispositions du réglement auquel ils servent de base,
afin d'éviter tout abus dans son application.
Je suis amené à vous entretenir de l'utilité de posséder,
dans chaque commune, une cloche exclusivement destinée au service municipal;
elle pourrait être placée dans un campanille construit soit à la maison
commune, soit à la maison d'école ; la dépense serait peu importante, et nous
préviendrions ainsi tout débat sur l'usage des cloches paroissiales,
lesquelles conserveraient alors le caractère de sollennité qu'elles doivent
avoir ; au Maire appartiendrait la libre disposition de la cloche municipale, au
Curé, l'usage des cloches de l'église. J'appelle votre attention particulière
sur cet objet.
J'ai la conviction, Messieurs, que vous apporterez tous vos
soins à l'exécution du règlement concernant la sonnerie. Les dispositions
qu'il renferme ont paru à Monseigneur l'Évêque, comme à moi, de nature a
maintenir la bonne harmonie qui doit régner entre l'autorité ecclésiastique
et l'autorité municipale, et je me plais à penser que cet arrêté contribuera
à préserver de toute atteinte l'ordre qui doit régner dans nos communes.
Recevez, Messieurs, l'assurance de ma considération très-distinguée.
Le Préfet, PODEVIN.
REGLEMENT
Pour déterminer la sonnerie des cloches.
L'Evèque de Nancy et le Préfet de la Meurthe voulant,
autant que possible, mettre fin aux contestations qui se sont élevées dans
quelques communes sur l'usage des cloches, et désirant surtout maintenir la
bonne harmonie entre l'autorité civile et l'autorité ecclésiastique ;
Vu l'article 448 de la loi du 18 germinal an X (8 avril
1802), en ces termes :
« L'Evêque se concertera avec le Préfet pour régler
la manière d'appeler les fidèles au service divin par le son des cloches. On
ne pourra les sonner pour toute autre cause, sans la permission de la police
locale. »
Vu les avis du Comité de l'Intérieur et de législation
du Conseil d'Etat, des 21 juillet 1835 et 17 juin 1840,
ont arrêté de concert ce qui suit :
Art. 1 Le Curé ou desservant aura seul le droit de faire
sonner les cloches de son église, pour appeler les fidèles au service divin et
annoncer les offices, prières publiques et autres exercices religieux, approuvés
ou autorisés par l'Évêque diocésain, tels que :
1° L'angélus, qui sera sonné, tous les jours le matin,
à midi, et le soir.
2° Les dimanches et jours de fêtes conservées, la messe
paroissale, les vêpres, saluts et sermons.
La messe et les vêpres seront annoncées à trois
reprises, et pour la première fois, une heure avant la célébration.
3° Les jours ouvrables ou autres, les messes hautes et
basses, les processions, catéchismes et instructions religieuses, les baptêmes,
mariages, décès, enterrements et services funèbres, l'administration des
sacrements ; le tout en se conformant aux usages du Diocèse.
Art. 2. Le Curé ne pourra faire sonner les cloches, pour
services religieux, avant quatre heures du matin et après neuf heures du
soir, depuis Pâques jusqu'au 1er
octobre ; ni avant cinq heures du matin et après huit heures du soir,
depuis le 1er octobre
jusqu'à Pâques, excepté toutefois la nuit de Noël.
Art. 3. En temps d'épidémie, les sonneries seront
suspendues pour les cérémonies funèbres, sur la simple invitation du Maire,
autorisé préalablement par le Préfet.
Art. 4. Le Curé ou desservant devra faire sonner dans les
circonstances extraordinaires qui suivent :
1° Lors de l'arrivée, du départ ou du passage dans la
paroisse, de l'Empereur de l'Impératrice, d'un prince de la famille Impériale,
et de l'Évêque en cours de visites pastorales ;
2° A l'occasion de la fête de Leurs Majestés ;
3° A l'occasion des visites solennelles du
Grand-vicaire-archidiacre.
4° Pour convoquer les fidèles aux prières publiques
demandées par Sa Majesté, et ordonnées par l'Évêque ;
5° Pour annoncer toutes autres prières prescrites par l'Évêque,
à raison de quelque événement important ou de quelque nécessité publique
;
6° La veille au soir des fêtes conservées, de la fête
de l'Empereur et de l'Impératrice, et les jours des mêmes fêtes, au matin.
Art. 5. Le Maire pourra requérir de faire sonner les
cloches, lorsqu'il sera nécessaire de convoquer les habitants, pour prévenir
ou arrêter quelque accident où leur concours est nécessaire, comme dans le
cas d'incendie, d'inondation, d'invasion de l'ennemi, et autre danger de même
nature.
Dans ces circonstances, le Maire, en cas d'absence du Curé,
pourra lui-même donner ordre au sonneur, lequel devra obtempérer aussitôt à
l'injonction du Maire.
Art. 6. Dans les Communes du Diocèse où l'usage est établi
de sonner le ban des vendanges et la retraite, et d'appeler les enfants à l'école
au son de la cloche, cet usage sera conservé jusqu'à l'établissement d'une
cloche municipale.
Art 7. La sonnerie des cloches en volée est interdite
pendant les orages, à moins que ce ne soit pour annoncer les services
journaliers aux heures réglées, auquel cas la sonnerie sera aussi abrégé que
possible.
La sonnerie des cloches est interdite depuis l'office du
matin le Jeudi-saint, jusques à celui du Samedi-saint, sauf l'exécution, au
besoin, des dispositions de l'article 5.
Art. 8. Le Curé ou desservant, comme gardien responsable
de l'église et du clocher, doit seul en conserver les clefs. Dans les communes
desservies par binage, les clefs seront déposées chez un des administrateurs
de l'église, au choix du Curé ou desservant.
Art. 9. Les coches étant affectées aux usages et actes
religieux, ne pourront être sonnées pour aucune autre cause que celles
ci-dessus prévues, sans qu'il en ait été référé par le Maire au Préfet,
par l'intermédiaire du Sous-Préfet, et par le curé à l'Évêque, et qu'il
soit intervenu une décision des deux autorités supérieures qui se
concerteront, à cet effet.
Fait et arrêté â Nancy, le 21 novembre 1866.
Le Préfet de la Meurthe, PODEVIN.
CHARLES, Évêque de Nancy
Document mis à jour le 01-01-2004