2ème DIVISION. - Ministère de l'intérieur. - Assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables. - Interprétation de la loi du 14 juillet 1905.Paris, le 10 août 1907.
Le président du conseil, ministre de l'intérieur, à MM. les préfets.
Ma circulaire du 27 avril dernier vous a indiqué l'interprétation que la commission centrale avait donnée, sous forme d'avis de principe, à certaines dispositions de la loi du 14 juillet 1905 sur l'assistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, dont le sens pouvait paraître douteux.
Je crois devoir porter à votre connaissance quelques autres avis émis depuis lors par la même assemblée.
Commune du domicile de secours autre que celle de la résidence.
Recours contre la décision du conseil municipal. - Délai imparti : invitation à notifier.
I. - La commission centrale est d'avis que la réclamation devant la commission cantonale du postulant qui ne réside pas dans la commune de son domicile de secours est recevable, même après le délai de vingt jours imparti par l'article 9, pourvu qu'elle se produise dans les vingt jours qui suivront la notification officielle qui lui serait faite du rejet de sa demande ou du jour où il serait établi qu'il a eu connaissance de ce rejet.
Par voie de conséquence et conformément au voeu exprimé par la commission centrale, tenant compte des inconvénients qui peuvent résulter des recours formés plusieurs mois après l'établissement de la liste d'assistance, je vous prie de prendre les mesures nécessaires pour que, par les soins des maires tant de la commune du domicile de secours que de celle de la résidence, et par l'intermédiaire de la ou des préfectures, les décisions de rejet des conseils municipaux soient notifiées d'urgence aux requérants non résidents et qu'il en soit dressé procès-verbal.
Recours de l'article 5. - Droits du maire et du préfet.
II. - Consultée sur la question de savoir si, pour les assistés ayant le domicile de secours communal, le recours prévu par l'article 5 de la loi du 14 juillet 1905 ne peut être formé que par le Maire au nom et pour le compte de la commune, à l'exclusion du préfet, la commission centrale a émis l'avis que ces recours peuvent être formés soit par le maire de la commune du domicile de secours de l'assisté, soit par le préfet agissant comme représentant du service départemental de l'assistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables.
Commune du domicile de secours autre que celle de la résidence. ? Taux.
III. - A l'égard de tout assisté non hospitalisé ayant chez elle son domicile de secours et sa résidence ailleurs, une commune est tenue jusqu'à concurrence du taux de l'allocation mensuelle que son propre conseil municipal a déterminé, conformément à l'article 20 de la loi, alors même que ce taux excéderait celui de la commune de la résidence.
Déductions. Rentes servies aux victimes d'accidents du travail.
IV. - L'allocation prévue par la loi du 14 juillet 1905 doit être diminuée ( art. 20 ) du montant intégral des rentes servies en vertu de la loi du 9 avril 1893 aux victimes d'accidents du travail.
Déductions. Pensions des Quinze-Vingts.
V. - Les pensions allouées à des aveugles sur les fonds des Quinze-Vingts doivent être considérées, en l'état actuel de la législation, comme des ressources personnelles des pensionnaires, et non comme des ressources provenant de la bienfaisance privée ; dès lors, l'allocation mensuelle prévue par l'article 20 de la loi du 14 juillet 1905 doit être diminuée du montant intégral desdites pensions.
Application du barème A.
VI. - Il résulte des travaux préparatoires de la loi du 14 juillet 1905 que la première catégorie fixée par le tableau A annexé à cette loi doit comprendre non seulement les communes dont le centime démographique est inférieur à 6 centimes mais encore celles dont le centime démographique est égal à ce chiffre. Le tableau A, pour déterminer la
valeur du centime démographique correspondant à chacune des catégories de communes, ne tient compte que des tractions de centime égales ou supérieures à 1 millième ; il ressort donc des indications de ce tableau que le législateur a entendu négliger les fractions inférieures ; dès lors, la valeur du centime démographique de chaque commune ne doit être recherchée que jusqu'à la troisième décimale ; par suite, les communes dont le centime démographique a une valeur intermédiaire entre le chiffre maximum d'une catégorie et le chiffre minimum de la catégorie suivante se trouveront classés dans la catégorie inférieure.
Communication aux intéressés des recours formée devant la commission centrale.
VII. - L'examen des recours formés devant elle contre des décisions de commissions cantonales a conduit la commission centrale à considérer comme équitable et conforme à l'esprit de la loi d'étendre la règle de la procédure contradictoire posée par l'article 11 aux instances introduites devant la juridiction d'appel, et de rechercher, dans chaque espèce, les personnes ayant intérêt à voir maintenir, annuler ou réformer la décision de la commission cantonale et, par suite, à prendre communication des recours introduits devant la commission centrale. Ainsi, le maire représentant de la commune intéressée doit recevoir communication du recours qu'il n'aurait pas formé, et l'assisté a également droit d'être mis en cause toutes les fois que le pourvoi n'a pas été déposé par lui ; il en est de même pour tout contribuable ou habitant ayant engagé une action et ayant obtenu gain de cause devant la commission cantonale, lorsque la décision est attaquée devant la commission centrale.
Vous voudrez bien tenir compte de ces règles, monsieur le Préfet, pour l'instruction des recours devant la commission centrale que vous formeriez vous-même, ou qui passeraient par votre intermédiaire. Afin d'éviter des retards, vous impartiriez un délai de quinze jours pendant lequel les intéressés seraient invités à produire leurs observations. Au cas où ils n'en produiraient point, vous ne manqueriez pas de joindre au dossier un procès-verbal de notification administrative.
Impétrant pouvant exercer un droit de créance alimentaire.
La jurisprudence de la commission centrale a dégagé un autre point que je crois devoir signaler à votre attention : suivant l'interprétation qu'elle donne à l'article 1, n'est point « privé de ressources » l'impétrant muni d'une créance alimentaire recouvrable. Par conséquent, s'il est établi que l'impétrant a des parents tenus envers lui de la dette alimentaire, on ne doit l'admettre à l'assistance qu'après s'être assuré que ces parents ne peuvent ou, le pouvant, ne veulent pas s'acquitter de leur obligation, sauf, dans la dernière hypothèse, le recours prévu par l'article 5.
Certificats médicaux.
La commission réclame d'autre part que les certificats médicaux délivrés à l'occasion des demandes d'assistance établissent le degré d'incapacité de travail et les causes précises de cette incapacité.
Consolidation du domicile de secours à soixante-cinq ans (arrêt du Conseil d'État).
Enfin je vous transmets ci-joint copie d'une décision rendue le 3 août courant par le Conseil d'État statuant au contentieux. Elle consacre l'interprétation adoptée par l'administration suivant un avis de la commission centrale que la circulaire du 27 avril dernier vous avait notifié ; d'après cette interprétation, les personnes qui avaient plus de soixante-cinq ans au 1er janvier 1907, date d'application de la loi, conservent définitivement après cette date le domicile de secours que leur conférait, à cette époque, la première partie de l'article 3.
Vous voudrez bien vous inspirer de ces solutions et les porter à la connaissance de vos administrés.
Je vous prie de m'accuser réception de la présente circulaire.
Pour le président du conseil, ministre de l'intérieur,
Le sous-secrétaire d'État,
Signé : A. MAUJAN.
CONSEIL D'ÉTAT
(Décision du 3 août 1907)
Le Conseil d'État statuant au contentieux,
Sur le rapport de la section du contentieux,
Vu la requête présentée par le maire d'Angoulême, agissant au nom de la ville suivant délibération du conseil municipal du 30 juillet 1907, ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 6 mai 1907, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler un arrêté du 22 avril 1907 par lequel le conseil de préfecture du Loiret a décidé que le sieur Vertadier avait dans la ville d'Angoulême le domicile de secours de la loi du 14 juillet 1905 ;
Ce faisant, attendu qu'aux termes de l'article 3 de la loi de 1905, le domicile de secours est acquis par cinq ans de résidence dans la même commune, et qu'après soixante-cinq ans, nul ne peut acquérir de nouveau domicile ; qu'au 1er janvier 1907, date à laquelle la loi est devenue applicable, le sieur Vertadier, qui était depuis plus de cinq ans en résidence dans la commune de Fleury-aux-Choux, y avait son domicile de secours et qu'étant âgé de plus de soixante-cinq ans , il ne pourra plus en acquérir de nouveau ;
Dire que le sieur Vertadier a son domicile de secours non à Angoulème mais à Fleury-aux-Choux ; ??.
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du l4 juillet 1905, « le domicile de secours, soit communal, soit départemental, s'acquiert et se perd dans les condition prévues aux articles 6 et 7 de la loi du 15 juillet 1893 ; toutefois le temps requis pour l'acquisition et la perte de ce domicile est porté à cinq ans ; à partir de soixante-cinq ans, nul ne peut acquérir un nouveau domicile de secours, ni perdre celui qu'il possède », et qu'aux termes de l'article 41 de la même loi, « la présente loi est applicable à partir du 1er janvier 1907 » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au 1er janvier 1907, le sieur Vertadier résidait habituellement dans la commune de Fleury-aux-Choux ( Loiret ), depuis plus de cinq ans ; que dès lors, par application des dispositions susmentionnées, il possédait à cette date dans cette commune le domicile de secours prévu par la loi nouvelle ; que d'autre part, étant âgé de plus de soixante-cinq ans, il ne peut plus le perdre ni en acquérir un nouveau ; que si, au moment où il a atteint l'âge de soixante-cinq ans, il résidait depuis plus de cinq ans dans la commune d'Angoulême, ce fait ne permet pas de le considérer comme possédant dans cette commune un domicile de secours que ne prévoyait alors aucune disposition légale ou réglementaire ;
Qu'ainsi c'est à tort que, par l'arrêté attaqué, le conseil de préfecture du Loiret a décidé que le sieur Vertadier avait dans la ville d'Angoulême le domicile de secours prévu par la loi du 14 juillet 1905,
Décide :
ART. 1. - L'arrêté susvisé du conseil de préfecture du Loiret du 2 avril 1907 est annulé.
ART. 2. - Le domicile de secours prévu par la loi du 14 juillet 1905 du sieur Vertadier est, au 1er janvier 1907, la commune de Fleury-aux-Choux ( Loiret ).
Président, M. A. CHANTE-GRELLET.
Rapporteur, M. HELBRONNER.
Document mis à jour le 06-03-2004